5 mai 2007

Biocarburants


J'ai entendu à la radio que les premiers essais de réacteurs d'avion fonctionnant au biocarburant venaient de se dérouler avec succès. Le responsable déclarait fièrement que rien ne s'opposait plus à ce que les avions de ligne volent bientôt avec du carburant vert. Je ne pense pas que ce soit une bonne nouvelle car les biocarburants ne sont ni une alternative viable à la pénurie future de pétrole, ni un moyen durable de limiter l'effet de serre.


Un biocarburant est un alcool ou une huile obtenu à partir de végétaux. L'huile est tirée d'oléagineux du genre colza et vise des carburants du type gasoil, les alcools sont issus de la fermentation du sucre contenu dans des plantes (céréale, betterave, canne à sucre, etc) pour remplacer l'essence. Le nom «biocarburant» est d'ailleurs mal choisi. Dans l'alimentation, un produit bio est cultivé dans le respect de la nature. Ce n'est pas l'objectif des végétaux pour carburant. On devrait les appeler phytocarburants pour éviter les confusions.


Depuis quelques mois les phytocarburants tiennent la vedette aux informations. Pourtant il est exclus qu'ils remplacent les carburants actuels lorsque le pétrole aura disparu. En effet, pour y parvenir il faudrait cultiver une surface qui correspond à deux fois celle de la Terre; ce sera difficile. Non, j'ai l'impression que les phytocarburants sont utilisés comme écran de fumée pour en faire le minimum tant que les industries en place fonctionnent encore. Cerise sur le gâteau, on nous les présente comme moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais leurs vertus en ce domaine ne sont pas miraculeuses.


Si on fait le bilan écologique d'un litre de phytocarburant (phytoéthanol), on se rend compte qu'il «coûte» 1/2 litre d'équivalent énergie. Aujourd'hui cette énergie est fournie par du pétrole! Et puis il ne faut pas perdre de vue que le rendement des phytocarburants est moins bon que celui des carburants classiques, donc les voitures consomment davantage. De plus, il faudra être vigilant quand aux techniques agricoles employées: quid des pesticides, de l'eau, des surfaces monopolisées? Le tableau n'est pas aussi rose qu'il y paraît.


La situation s'assombrirait d'ailleurs bien plus si les cultures pour phytocarburants entraient en compétition avec les cultures alimentaires. L'idée n'est pas saugrenue, le conflit s'est même déjà produit au Mexique où le prix du maïs a flambé face à la demande de l'industrie du bioéthanol. Le maïs étant la principale source d'alimentation du Mexique, on peut comprendre les protestations de la population.


L'aspect éthique des phytocarburants n'est pas à négliger. De quel droit les pays riches occuperaient des surfaces cultivées pour produire du carburant alors que tant d'êtres humains meurent de faim encore aujourd'hui? En 2001, un enfant mourrait toutes les 7 secondes des conséquences de la malnutrition. La situation n'a guère évolué de nos jours. Il serait plus acceptable de valoriser des déchets agricoles déjà existants avant de se lancer dans de nouvelles cultures. Heureusement que de tels projets sont aussi à l'étude.


Le principal avantage de ces carburants alternatifs est leur faible rejet de CO2 dans l'atmosphère, ou plutôt, ils rejettent le CO2 que la plante a absorbé. C'est une bonne nouvelle pour le réchauffement climatique. Seulement ils rejettent d'autres composés qui ne sont pas neutres. Pourquoi la maîtrise des gaz à effet de serre devrait se faire au dépend de notre santé? Où en sont les études à ce niveau?


L'autre «avantage» des phytocarburants est qu'ils ne perturbent pas trop les industries existantes. Les automobiles et autres véhicules ne sont pas fondamentalement bouleversés par le changement de carburant. Il faut ajuster des moteurs mais le métier industriel ne change pas. Les constructeurs n'ont que des investissements mineurs à effectuer. Les pétroliers ne sont pas mécontent puisque les phytocarburants sont associés au carburants existants. Et puis il faudra toujours transporter et distribuer ces carburants. Les pétroliers sont aux premières loges avec leurs infrastructures en place. Cette relative innocuité des phytocarburants n'incite pas les industriels à rechercher d'autres solutions plus durables. Pourquoi faire plus d'efforts quand il existe une solution provisoire qui ne bouleverse pas votre modèle économique et qui permettra d'épuiser la filière du pétrole jusque la dernière goutte?


Les phytocarburants ne sont pas une réponse durable à la raréfaction du pétrole et au réchauffement climatique. Ils sont une voie à explorer, mais il ne faut certainement pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. On peut commencer par essayer de consommer moins d'énergie. Ensuite on peut se doter de plusieurs alternatives afin d'éviter de retomber dans une dépendance énergétique de l'ampleur du pétrole. N'oublions pas que la seule énergie gratuite sur Terre est celle qui provient du Soleil. Elle n'est pas exploitée aujourd'hui alors qu'elle constitue la meilleure source disponible. Elle a cependant l'énorme désavantage de mettre hors-jeu toute l'industrie pétrolière d'un seul coup. Est-ce pour cette raison qu'elle tarde à percer?

Aucun commentaire: