7 oct. 2007

L'appétit vient en mangeant


Parfois, il faut se forcer à faire quelque chose pour finalement avoir envie de le faire. Cette réflexion m'a été inspiré par la mise à jour de ce blog (que j'ai longtemps négligée ces dernières semaines), mais elle s'applique à beaucoup d'autres activités: photographie, musique, écriture de fiction, cuisine, etc. Je me suis demandé comment on pouvait créer l'envie par la contrainte.


La première explication qui me soit venue à l'esprit est que, peut-être, nous avons une mauvaise mémoire des plaisirs que nous éprouvons. Nous pratiquons certaines activités car elles nous procurent du plaisir (je ne parle ici que des loisirs), nous les choisissons dans ce but. Toutefois, après un certain temps, on oublie la nature du plaisir ressenti. Sans cette récompense clairement en tête, il devient difficile de se lancer dans l'activité qui en est la source. Néanmoins, dès que l'on s'y remet (en se forçant si nécessaire), la sensation de plaisir revient et nous pousse à continuer. Comme si on réactivait la mémoire du plaisir.


Une autre explication pourrait être liée à la maîtrise des distractions. Le choix de se lancer dans une activité est en concurrence directe avec une bonne dizaine d'autres sources potentielles de plaisir: la télé, le cinéma, un DVD, une promenade, un podcast, etc. S'obliger à entamer l'activité crée une sorte de bulle d'isolement qui repousse les autres sources de distraction en monopolisant l'attention. Les autres stimuli et leur plaisir potentiel ne peuvent par conséquent plus entrer en compétition avec le plaisir de l'activité en cours; un «tiens» vaut mieux que deux «tu l'auras».


Dernier argument: l'être humain est une créature d'habitudes. Nous nous complaisons dans ce que nous connaissons et que nous avons fait des centaines de fois; c'est rassurant. Seulement les habitudes ne sont pas stockées dans le cerveau conscient. On se souvient d'une habitude par les gestes et les réactions qui l'entourent. On se souvient d'une habitude en la pratiquant.


Je ne prétends pas avoir trouver les vrais raisons du phénomène, mais j'ai maintenant à disposition quelques arguments auxquels je pourrai me confronter quand j'aurai des réticences à me lancer dans une activité. Peut-être même arriverai-je à me convaincre grâce à eux.

16 sept. 2007

Peut-on «croire» en la science?


Le débat entre évolution et créationisme fait rage aux Etats-Unis. La première théorie soutient que la Terre et ses habitants ont évolué pendant des centaines de milliers d'années pour en arriver à l'état actuel; la seconde prétend que tout a été créé par Dieu il y a six mille ans. Les créationistes, loin d'avoir le dessus, revendiquent le droit de croire en leur théorie de la même façon que les scientifique croient en celle de la science. Ils considèrent la science au même niveau qu'une religion. C'est une analogie qui ne tient pas.


La confusion des créationistes est compréhensible car il existe des similitudes entre science et religion. D'abord, les deux essaient d'apporter des réponses à des questions difficiles: qui sommes-nous? D'où venons-nous? Pourquoi sommes-nous sur Terre? Qu'y a-t-il après la mort? Toutes ces questions surviennent un jour où l'autre dans la tête de chaque individu et leur trouver des réponses est réconfortant.


Ensuite, pour l'homme de la rue, les deux peuvent paraître mystérieuses. La religion ne dévoile pas clairement la nature profonde de ce que peut être un dieu. Une personne? Une entité? Nous-même? Un être supérieur? Un homme ou une femme? Ses réponses sont vagues, sans doute à dessein. De son côté, la science ne propose pas toujours des réponses accessibles. Soit parce qu'elles sont complexes (les mécanismes de fonctionnement d'un microprocesseur ne sont pas triviaux), soit parce qu'une partie de la réponse lui échappe encore (les mécanismes d'apparition de la vie, par exemple).


Pour en terminer avec les similitudes, je dirais que toutes deux sont sources d'espoir. Dans les moments difficiles, certains se tournent vers la religion pour obtenir du réconfort, d'autres vers la science. Dans les deux cas les motivations sont les mêmes.


Mais là s'arrêtent les similitudes. En fait, la religion et la science sont très différentes.


Là où la religion se base sur le dogme et la foie pour faire accepter les réponses qu'elle offre, la science use d'une démarche empirique en quatre temps. D'abord, on observe un phénomène. Ensuite, on essaie de le modéliser avec les outils de la science. Puis, on établit des prévisions grâce au modèle. Et enfin, on tente de valider les prévisions par l'observation. L'expérimentation remplace la foie. Le scientifique n'accepte pas une réponse pour ce qu'elle est mais pour ses effets quantifiables.


Il s'en suit que, contrairement à la religion, la science n'est pas figée. Les théories et les modèles scientifiques sont acceptés tant qu'ils rendent compte des mesures qui sont récoltées. Dès qu'une théorie s'éloigne de l'observation, on la change. C'est ainsi que la Relativité Restreinte a remplacé la physique Newtonienne, à son tour complétée par la Relativité Générale. A contrario, une fois qu'un dogme religieux est établi, il tente de persister par tous les moyens, même s'il est contredit par l'observation (Galillée a payé cher sa remise en question du modèle géocentrique de l'univers).


La science est construite par tous. Toute personne ayant acquis le langage d'expression de la science (mathématique, logique, physique...) peut entrer dans la danse et apporter sa pierre à l'édifice. Si l'apport est corroboré par la communauté et montre son utilité, il sera le bienvenu (c'est ce qu'a fait Albert Einstein alors qu'il travaillait au bureau des brevets de Berne). Il me semble que les religions ne fonctionnent pas de cette façon. Il n'y a bien souvent qu'une seule vérité qu'il est hors de question de remettre en cause. La parole des fidèles ne compte pas.


La construction de la science repose sur un échange d'information sans entrave. C'est en diffusant l'information et en la confrontant à la sagacité de la communauté que les progrès sont possibles. Quand on se souvient de l'obscurantisme qui a été entretenu et qui est encore entretenu par certaines religions, on ne peut s'empêcher de remarquer que science et religion sont plus différentes que semblables.


Un dernier point qui démarque la science de la religion: la science est vérifiable. Lorsque la science annonce quelque chose, tout un chacun peut en vérifier la véracité et même dénoncer la fraude quand il y a lieu. Les faits ou les événements qui sont à la base de la plupart des religions ne sont pas vérifiables. Ils sont même sources des spéculations les plus folles et sont défendus bec et ongle par les croyants sans aucune base.


Les mécanismes de fonctionnement de la science ne relève pas de la croyance. On ne croit pas en la science comme on croit en l'existence du divin. La science nous encourage même à une attitude diamétralement opposée: il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qu'on peut entendre sans le vérifier et le recouper d'une façon ou d'une autre. La science encourage le scepticisme, pas la croyance.

25 août 2007

La revanche de la nature


Je viens de lire un article concernant les OGM qui se voulait alarmiste mais qui ne faisait qu'enfoncer des portes ouvertes. Il y était question des plantes génétiquement modifiées pour résister à un désherbant total et qui sont cultivées dans le monde. Le côté alarmiste provenait du fait que dans ces cultures, des mauvaises herbes commençaient également à résister à l'herbicide. Si cette constatation est inquiétante pour certains, je pense qu'elle est parfaitement explicable et surtout inévitable.


Des phénomènes similaires existent dans d'autres domaines. Par exemple, tout le monde a déjà entendu parler des antibiotiques inefficaces face à certaines bactéries devenues résistantes. En fait, les bactéries ne deviennent pas résistantes, il se trouve juste que toutes celles qui sont vulnérables aux antibiotiques disparaissent pour laisser la place à celles qui exceptionnellement ne le sont pas. Ces dernières se multiplient en transmettant leur caractère résistant et finissent par prendre toute la place, rendant les antibiotiques inopérants. L'exceptionnelle résistance d'un nombre infinitésimal de bactéries devient la généralité grâce à la sélection qu'opèrent les antibiotiques.


C'est la même chose avec les maladies nosocomiales, ces infections qui surviennent à l'hôpital. Elles sont très dangereuses car les agents infectieux qui les provoquent ne peuvent survivre dans le milieu hostile qu'est l'hôpital que s'ils ont une résistance supérieure à la normale aux mesures de désinfection. Ceux qui ne l'ont pas disparaissent, les autres restent et prolifèrent. Si bien que lorsqu'ils infectent un patient, il devient très difficile de passer outre leur résistance pour les éliminer. Encore une fois il s'agit d'une sélection.


Le cas de l'agriculture demande une mise en place préalable. Disons qu'une firme d'agrochimie invente un désherbant qui élimine tous les végétaux sans distinction. Puis elle modifie génétiquement des céréales pour les rendre résistantes à ce désherbant. Elle vend ensuite les semences aux agriculteurs en vantant leur côté pratique: il suffit de pulvériser toutes les cultures sans distinction avec l'herbicide, seules les céréales survivront; c'est redoutable de simplicité. La firme gagne sur tous les tableaux en vendant le désherbant et les semences. Et comme ces dernières sont stériles à la deuxième génération, l'agriculteur doit acheter des semences à chaque saison.


Tout se passe bien jusqu'à ce qu'une mutation génétique aléatoire rende une souche de mauvaise herbe résistante à l'herbicide. Comme pour les bactéries, il n'existent au départ qu'une infime minorité de mauvaises herbes aptes à résister. Mais comme toutes les autres sont détruites, la souche résistante se reproduit sans concurrence et finit par envahir le champ. C'est ainsi que l'agriculteur se retrouve avec les mauvaises herbes décrites dans l'article du début, suite à un simple mécanisme de sélection.


Une course à l'armement impossible à gagner est alors engagée. Si la firme d'agrochimie veut conserver ses profits, elle doit réagir. Elle le fait donc dans le domaine qu'elle connaît et applique une recette qui fonctionne: mettre au point un nouveau désherbant total qui détruit aussi les plantes résistantes; modifier encore les céréales pour les rendre immunes à ce nouveau désherbant; inonder le marcher. Le problème est que la nature est aussi très habile dans la modification génétique. Elle le fait d'ailleurs depuis bien plus longtemps que l'homme, avec plus de succès. Il ne faudra donc pas longtemps avant qu'une nouvelle génération de plantes parasites résistantes fasse sont apparition en provoquant le démarrage d'un nouveau cycle. Il n'est pas possible de gagner. L'expériences des hôpitaux montre que malgré des efforts considérables, il est impossible d'éliminer complètement les infections nosocomiales.


Que faire alors?


D'abord, pourquoi faudrait-il détruire complètement les mauvaises herbes? On le fait aujourd'hui pour maximiser les rendements, héritage d'une agriculture intensive qui a montré ses limites. Sur le même modèle que «les antibiotiques, c'est pas automatique», on pourrait ne se servir de désherbant que lorsque les mauvaises herbes sont réellement une menace. De cette façon, on mettrait quelques bâtons dans les roues de la sélection des mauvaises herbes; moins elle s'exprime, moins elle favorisera les souches résistantes. En n'utilisant des antibiotiques que lorsqu'ils sont nécessaires, on protège leur efficacité sur les bactéries tout en ne sélectionnant pas une population résistante. Il faut conserver l'exceptionnel exceptionnel.


On pourrait aussi utiliser les mécanismes de défense que la mature a mis au point. Utiliser des animaux friands des herbes qu'on cherche à éliminer; favoriser la prolifération des insectes mangeurs de parasites des cultures; contrôler la population d'insectes en invitant leurs prédateurs naturels. Les solutions que nous propose la nature sont éprouvées, elles fonctionnent. Elles ont le seul tort de ne pas être assez efficaces aux yeux des industriels. Mais faut-il être efficace à tout prix?


Les réticences de l'agriculture et de l'industrie agrochimique dans une approche plus symbiotique des cultures sont malvenues et surtout hypocrites. En effet, une grande partie des procédés impliqués dans l'agriculture échappe totalement à l'homme sans qu'il y trouve à redire. Par exemple, la pollinisation qui assure les récoltes de céréales et de fruits est entièrement prise en charge par les insectes, sans contrôle. Et ça fonctionne très bien.

15 août 2007

Payer avec le doigt


Reconnaître un interlocuteur est une tâche compliquée si on n'est pas en contact direct avec lui, ou si on demande à une machine de le faire. Elle requiert deux étapes: identifier l'interlocuteur (qui est-il?), puis authentifier l'interlocuteur (vérifier que c'est bien lui). Différents systèmes permettent de réaliser ces deux étapes. Il en existe une famille qui tente de le faire en mesurant des caractéristiques biologiques typiques, la biométrie. Un nouveau système biométrique «révolutionnaire» est apparu récemment. Même s'il ne corrige pas les défauts inhérents à ce genre de système, il semble avoir certains avantages. Malheureusement, appliqué sans discernement, il pourrait induire d'atroces mutilations.


Ce nouveau procédé est basé sur la reconnaissance du réseau vasculaire à l'extrémité de nos doigts. L'image est lue par un capteur puis est traitée par le système qui va à la fois identifier et authentifier le propriétaire du doigt. La simultanéité de l'identification et de l'authentification est possible car, comme pour les empreintes digitales, la forme des veines du doigt est unique à chaque individu et est difficilement falsifiable. Les promoteurs du système en font un produit idéal parce que, contrairement aux empreintes, la mesure est facile à effectuer.


Ce système n'est toutefois pas aussi miraculeux que cela. Comme tous les systèmes biométriques, il exclut mécaniquement une partie de la population. Si une personne ne possède pas les caractéristiques qui devraient être mesurées, elle ne peut être reconnue par le système, elle est exclue. Un malvoyant ne peut être identifié par son iris, une personne sans mains ne pourra se faire connaître grâce aux veines de ses doigts. D'accord, la probabilité de ne pas avoir de doigts est plus faible que celle de ne pas avoir d'yeux. Il n'empêche que des personnes sans mains existent. Est-il juste de concevoir un système qui exclut à priori toute une catégorie de population?


Lorsque la biométrie sert de serrure (ce qui est le cas avec ce système), on subit immédiatement le fait que ce qui est mesuré ne peut être facilement remplacé. Si vous perdez vos clés, vous changez la serrure, vous recevez de nouvelles clés qui vont avec et le problème est réglé. Si l'image de votre iris ou la configuration vasculaire de votre doigt est compromise, que faîtes-vous? Vous changez d'oeil ou de doigt? Nous n'avons que deux yeux et dix doigts, le nombre de clés de remplacement est limité.


L'identification par le doigt pose un autre problème lorsqu'elle est lié à un moyen de paiement (ce qui est aussi le cas dans ce nouveau projet). L'argent attire la convoitise, donc le vol. Les malfaiteurs étant pragmatiques, ils s'attaquent au maillon le plus faible de la chaîne de paiement. Par conséquent, plutôt que de s'en prendre à la transaction électronique ou au boîtier de mesure qui leur seront technologiquement inaccessibles, ils s'attaqueront au doigt lui-même. Je ne serais pas étonné de voir une recrudescence d'amputations sommaires à mesure que ce nouveau système d'identification/authentification se généralise.


Voilà un exemple typique de l'utilisation d'une technologie sans avoir réfléchi aux conséquences. Ce genre d'applications malheureuses est devenu une habitude dans nos sociétés. Par exemple, on sait produire de l'énergie en cassant des atomes d'uranium, mais que fait-on des résidus de la fission? Les biocarburants peuvent remplacer tout ou partie des carburants issus des hydrocarbures, mais comment allons-nous gérer la concurrence entre l'agriculture dédiée à l'alimentation et celle à destination des carburants? Aurons-nous l'arrogance de priver de nourriture une frange de la population pour faire avancer nos voitures?


De la même façon, si la reconnaissance des veines du doigt est appliquée aux moyens de paiement, ce sera la porte ouverte à un nouveau type de violence. Les vols de cartes ou de clés se transformeront en horribles mutilations si le butin en vaut la chandelle. Je suis certain que nombre de15 malfaiteurs n'hésiteront pas longtemps avant de franchir le pas. Par conséquent, il vaut mieux réserver ce système à des applications qui ne provoqueront pas une convoitise susceptible de valider l'amputation d'un doigt. En faire un moyen de paiement est une mauvaise idée; l'utiliser pour contrôler des accès dépend de ce qu'il y a derrière l'accès: un casier à la gare serait acceptable, votre bureau également, un appartement serait plus discutable, le coffre d'une banque est hors de question.


Je comprends l'intérêt de cette nouvelle technologie d'identification. Elle est simple, efficace et ne présente pas de problème en elle-même. Là où je suis beaucoup plus circonspect, c'est dans la nature des applications qui l'intégreront. Si on l'utilise là où elle n'a pas sa place, les conséquences pourraient être fâcheuses. Il faut absolument éviter de répéter le fiasco des RFIDs qui sont parfaits pour tracer des marchandises dans un port ou un entrepôt, mais qui posent d'énormes problèmes technologiques et éthiques quand on les utilise pour identifier et authentifier des personnes. La RFID n'a pas sa place dans les passeports.

26 juil. 2007

La dictature de la croissance


Je n'écoute plus de musique en conduisant car elle influence trop mon comportement au volant. A la place, j'écoute des stations de radio parlée. Ce faisant, je suis tombé l'autre jour sur une discussion entre un journaliste et un philosophe sur le thème de la croissance. Le philosophe dénonçait ce concept comme dictatorial et absurde. Son argumentaire m'a donné à réfléchir.


La croissance dont il est question ici est l'indicateur économique qui définit le taux de variation des richesses crées par un pays sur une année. Si ce taux est positif, alors le pays a créé plus de richesses que l'année précédente, il s'est enrichi. Si le taux est négatif, de la richesse a été perdue, le pays s'est appauvri. Puisque la quantité de richesse d'un pays est mesurée grâce au PIB (Produit Intérieur Brut), la croissance indique la variation du PIB dans le temps.


On parle de dictature de la croissance car en résumant toute une économie à ce seul indicateur, il devient le centre de toutes les attentions. La mécanique est la suivante: une économie qui fonctionne bien crée de la richesse, sa croissance affichée est positive; une économie qui va mal perd de la richesse, sa croissance stagne ou diminue. Dans le monde globalisé actuel, l'économie est devenu la jauge d'évaluation des sociétés humaines au détriment de toute autre considération. Si un pays veut donner l'image d'un partenaire prospère et attrayant, il lui faut afficher une bonne croissance. Il fait donc tout pour agir sur elle, parfois au mépris des conséquences. C'est cette approche du «tout pour la croissance» qui donne l'impression d'une dictature.


Piloter un pays les yeux rivés sur la croissance engendre deux dérives. D'abord, des actions sont entreprises pour avoir rapidement des effets sur la croissance. C'est une pression qui vient des calendriers politiques: les résultats doivent être visibles dans une législature; c'est le royaume du «Quick and dirty». Ensuite, on agit pour faire varier les chiffres, pas forcément pour changer ce qu'ils représentent. Par exemple, il existe deux façons de diminuer le chômage: soit en créant des places de travail, soit en disqualifiant des chômeurs.


Pour qu'un système économique soit performant, il doit témoigner d'une croissance positive. Pour qu'il soit stable, elle doit être perpétuelle. Mais comment soutenir une croissance infinie dans un environnement fini, la Terre? Puisque les ressources de la planète sont limitées, est-il responsable de promouvoir sur l'ensemble du globe une approche économique qui ne peut subsister à long terme? Le philosophe de la radio soutenait que l'omniprésence de la croissance était de l'inconscience; c'est ce qui m'a donné à réfléchir. Alors que je conduisait, une image m'est venue à l'esprit: celle d'une voiture lancée à pleine vitesse face à un mur.


Le mur est toutefois encore très loin, à peine visible. Dans ces conditions, il est difficile de convaincre qu'il faut faire quelque chose pour éviter le pire. L'histoire récente nous a pourtant enseigné que, même lointaines, les limites sont atteintes un jour. Les réserves mondiales de pétrole apparemment infinies n'auront durées qu'un siècle et demi.


Outre une myopie volontaire, les économistes rejettent l'incompatibilité d'une croissance infinie dans un monde fini car ils considèrent que la croissance est le fait des progrès techniques. De leur point de vue, les progrès techniques créent de nouvelles richesses par des biens nouveaux (comme les services) qui ne sont plus basés sur une ressource naturelle et qui ne sont donc pas limités en volume. C'est vrai pour les biens eux-mêmes, mais leur exploitation sera d'une façon ou d'une autre basée sur une ressource limitée (énergie, matière première, élément chimique, etc.). Par conséquent, l'environnement de l'économie est plus que jamais un espace fini qui ne peut soutenir une croissance infinie.


Que faire alors? Certains prônent la mise en place urgente d'une logique de décroissance. Puisque les ressources sont limitées, il faut les économiser pour les faire durer, indéfiniment si possible. L'inconvénient de cette approche est qu'elle n'est pas déployable aujourd'hui. Elle ne semble pas réaliste dans le contexte économique actuel. Je pense même que les milieux économiques ne veulent pas en entendre parler tant les concepts qu'elle véhicule sont aux antipodes des théories courantes.


Une direction plus prometteuse serait de tendre vers une croissance modérée. Plutôt que d'essayer de maximiser la croissance, il vaudrait mieux chercher des taux que l'ensemble de la planète pourra soutenir. C'est certainement moins efficace que la décroissance, mais c'est plus réaliste.


En fait, il existe une troisième voie. Plutôt que de restreindre la croissance, pourquoi ne pas étendre l'environnement de l'économie en allant chercher des ressources ailleurs que sur Terre? Malheureusement, l'économie actuelle n'est pas capable de financer le programme de colonisation spatial qui serait nécessaire. N'est-ce pas ironique?

17 juil. 2007

Les formats de fichier propriétaires


Il y a quelques mois, j'ai reçu de ma commune une communication officielle par courrier électronique. L'effort pour entrer dans le monde des communications modernes était louable, malheureusement je n'ai pas pu lire le contenu du document. En effet, il était au format doc de Microsoft et je n'ai pas Office sur mon Mac. Lorsque j'ai demandé le document dans un autre format, mon correspondant m'a proposé un fax à la place, alors qu'il existe d'autres solutions. Voilà un exemple parfait des effets pervers des formats de fichier propriétaires.


Imaginez-vous en train d'écrire une lettre avec un stylo, du papier et des lunettes. Le stylo et les lunettes sont d'un genre spécial: ils sont appairés l'un à l'autre. Les lunettes ont la capacité de faire apparaître les lettres tracées par le stylo. Pour que votre correspondant puisse lire la lettre, il devra lui aussi posséder une paire de lunettes équivalente. Cette situation vous semble saugrenu? Et bien les formats de fichier propriétaires ont exactement le même effet!


Les formats propriétaires mettent en place un mécanisme d'enfermement du consommateur: un auteur investit dans un outil pour exprimer sa créativité; grâce à lui, il produit quelque chose sous la forme d'un fichier; il transmet sa production à un tiers pour partager les fruits de son travail; pour en profiter, le tiers a besoin du même outil que l'auteur car il est le seul capable d'ouvrir le fichier; le tiers n'a d'autre choix que d'acheter le même logiciel. Au final, l'éditeur du logiciel réalise une vente forcée sans aucun effort de sa part.


Ce «succès» de l'éditeur (la vente d'une licence supplémentaire) est en réalité la conséquence d'une défaillance du logiciel. En effet, du point de vue de l'utilisateur, le logiciel n'est pas capable de partager de l'information avec d'autres outils, ce qui est une faiblesse indéniable. La vie de l'utilisateur serait grandement facilité s'il lui était possible de faire passer ses fichiers d'un outil à un autre sans difficulté. Malheureusement, pour l'éditeur, un fichier qui voyage trop facilement est autant d'occasions manquées de conclure une vente. Il entrave donc la circulation des données grâce à un format de fichier qu'il est le seul à connaître, garantissant ainsi une faible circulation et la nécessité de passer par lui pour en profiter. Il prend ses utilisateurs en otage.


Ce procédé est injuste et contre-productif. D'abord parce qu'on achète un logiciel pour de mauvaises raisons: il s'impose car il comprend une catégorie de fichiers, pas parce que ses fonctionnalités rendent les services qu'attendent les utilisateurs; c'est ainsi qu'on se retrouve avec des logiciels médiocres, mais incontournables par leur format de fichier. Ensuite, parce que cette approche n'incite pas les éditeurs à améliorer leurs logiciels. Pourquoi feraient-ils des efforts lorsque leur format de fichier a enfermé les utilisateurs et a éliminé toute concurrence? Leur objectif est de placer la première licence. Pris au piège, l'utilisateur ne peut plus aller voir ailleurs.


Les formats de fichier ouverts sont un bon moyen de contrecarrer les éditeurs et de reprendre nos prérogatives de consommateur. Au contraire des formats propriétaires qui sont définis en secret en diffusant le moins d'information possible, les formats ouverts sont définis par la communauté, au grand jour. Leur objectif premier est de favoriser la circulation de l'information en fournissant toutes les indications nécessaires à la construction d'outils les supportant. Ils sont taillés pour rendre service à l'utilisateur, laissant le soin aux outils de se démarquer les uns des autres par les fonctionnalités qu'ils proposent. L'innovation est encouragée, l'utilisateur n'est plus esclave du format de fichier et peut choisir l'outil qui lui convient en toute indépendance.


Malheureusement, le piège des formats de fichier propriétaires est mal connu. Beaucoup d'utilisateurs tombent dans le panneau sans s'en rendre compte. Il faut acquérir de bons réflexes pour réagir face aux formats propriétaires. D'abord, il faut connaître les formats ouverts disponibles. Ensuite, chaque fois que vous recevez un document qui n'emploie pas un de ces formats (un fichier Word, par exemple), répondez à votre interlocuteur en lui expliquant qu'il vous a envoyé un fichier dans un format propriétaire non portable et demandez qu'il vous le renvoie dans un autre format en lui indiquant quelques possibilités. Finalement, quand c'est vous qui choisissez le format, privilégiez les formats ouverts chaque fois que c'est possible (Open Office est une bonne alternative à Microsoft Office).


C'est à nous, consommateurs, d'agir pour faire savoir aux éditeurs que nous ne voulons pas de leurs formats propriétaires. Nous devons nous battre pour récupérer les prérogatives qui sont les nôtres. Après tout, les éditeurs de logiciels devraient produire des outils pour nous rendre service, pas pour leur rendre service.

5 juil. 2007

Morale économique


Le procès des anciens dirigeants de Swissair s'est terminé il y a quelques semaines par un acquittement général. Tout ce petit monde a dilapidé plus de 3 milliards de francs suisses de fonds publics, il a gâché des milliers d'emplois en Suisse, en France et en Belgique et a dissimulé quatorze milliards de dette. Les dirigeants n'ont toutefois pas été reconnus responsable de l'écroulement de la compagnie aérienne. Ils ont provoqué d'énormes dégâts autour d'eux, mais rien de punissable dans le monde économique. L'incompétence n'est pas un crime.


Pour le citoyen, une telle impunité ne semble pas normale. En effet, si les risques ne sont pas assumés par ceux qui les prennent, comment prévenir les abus? Risquer les emplois ou l'argent des autres implique de grandes responsabilités et des comptes à rendre. Or ce n'est pas le cas dans le monde des affaires. Prendre de tels risques et échouer semble normal. Mais est-ce bien moral?


La notion de moralité mérite quelques éclaircissements avant de poursuivre. Qu'est-ce que la morale? Je propose l'acception commune qui définit la morale comme l'ensemble des règles de conduite admises dans l'intérêt d'une société. On lui attribue également la tâche de différencier le bien du mal; ce qui est moral va dans le sens du bien. On considère même la morale comme un devoir. Il faut faire le bien pour obtenir une société florissante.


Malheureusement cette définition de la morale n'est pas compatible avec les objectifs de l'économie. En effet, cette dernière a pour principal but la création de richesses. Toutefois, les richesses créées ne profitent pas à l'ensemble de la société mais uniquement à ceux qui ont investi. C'est un système individualiste qui va à l'encontre de l'altruisme requis pas la morale décrite plus haut. L'incompatibilité est flagrante.


Il faut donc une autre définition de la morale qui soit applicable à l'économie. La discipline qui fixe les fondements de la morale s'appelle l'éthique. C'est elle qui définit les valeurs qui serviront de points de référence aux règles de conduite incluses dans la morale. Ces valeurs varient d'une morale à une autre. Par exemple, le respect de la nature est une valeur primordiale chez les peuplades d'Amazonie contrairement à nous. Elles ne prélèvent dans la forêt que ce dont elles ont besoin, nous prélevons tout ce que nous pouvons.


Quelles valeurs faudrait-il intégrer à la morale économique? La première qui me vient à l'esprit est la vertu du long terme. Aujourd'hui, l'immense majorité des décisions sont prises à court terme. On veut voir immédiatement leurs résultats. Entre un gain médiocre rapide et un meilleur gain repoussé dans le temps, la préférence est donnée au résultat immédiat. En vingt ans, le «long terme» est passé de 5 ans à 7 mois. Une reconsidération du long terme permettrait de responsabiliser l'économie quand aux conséquences des choix qu'elle fait. Il ne serait plus acceptable de faire un bénéfice à court terme au prix d'une détérioration future. Je ne citerai qu'un exemple: les biocarburants. La solution envisagée à court terme aujourd'hui est de remplacer les carburants fossiles par des phytocarburants. Malheureusement, les conséquences d'une telle manoeuvre sont largement négligées. Quid de la concurrence entre l'agriculture pour les transports et l'agriculture alimentaire? Qu'est-ce qui est plus important, ce déplacer ou manger? Et puis où réquisitionner les surfaces nécessaires au surcroît de culture? Il serait utile d'évaluer en détail les conséquences avant de se lancer tête baissée.


La seconde valeur qu'on pourrait intégrer est celle de la vie des gens. Les mécanismes qui sous-tendent l'économie sont basés sur la notion de transaction. Par conséquent tout ce qui n'a pas d'équivalent pécuniaire ne trouve pas sa place dans le système économique. Il est impossible d'entreprendre un échange basé sur le bien-être de la population ou le bonheur d'un groupe de personnes. Quand on se rend compte que les acteurs économiques sont des gens et qu'on reconnaît que l'on passe l'essentiel de notre énergie à rechercher le bonheur, cette absence n'est pas très normale. Pour être en accord avec notre nature, le système économique devrait intégrer la valeur du bien-être.


Toutes ces questions convergent vers un très vieux débat: l'économie est-elle un moyen ou une fin? Certains considèrent que des efforts doivent être consentis pour que l'économie se porte bien. La conséquence espérée étant que cette bonne santé se répercute sur la population et lui profite d'une façon ou d'une autre. Par conséquent les acteurs économiques oeuvrent pour positionner des indicateurs (croissance, chômage) en se préoccupant peu des moyens ou des conséquences. On ne peut pas dire que cette approche ait donné de bons résultats car l'écart entre les riches et les pauvres ne cesse d'augmenter. Fort de ce constat, d'autres placent l'homme au premier plan et considèrent l'économie comme l'un des moyens d'atteindre le bonheur. Malheureusement, cette position ne fonctionnera que si les fondements de la morale économique sont révisés.

17 juin 2007

J'abhorre l'inefficacité


Les gens m'énervent. Rares sont les jours où j'interagis avec mes congénères sans que la moutarde ne me monte au nez. Vous me direz que je ne suis pas le seul à éprouver ce genre de sentiment et je ne pourrai qu'acquiescer. Toutefois, l'autre semaine j'ai eu une illumination. Je sais maintenant pourquoi les gens m'énervent autant: j'abhorre l'inefficacité.


Ma révélation a eu lieu sur un escalier mécanique. Invariablement, les gens embarquent sur l'escalier et attendent d'arriver en bas (ou en haut) sans rien faire. Normalement, quand j'emprunte un tel escalier, je continue de descendre (ou de monter) les marches pour accélérer le voyage. Sauf quand un «obstacle» immobile bloque le passage. C'est là que j'ai compris. Rester sans rien faire sur l'engin est une perte de temps. Je ne supporte pas d'être inefficace quand je peux l'éviter. C'est d'autant plus énervant que les gens immobiles font très souvent partie d'une catégorie de personnes qui aurait tout intérêt à bouger un peu.


Toujours dans le domaine des escaliers mécaniques, un autre comportement m'énerve. Il concerne ceux qui, ayant réussi à négocier avec succès le débarquement de l'escalier, restent là sans bouger en se demandant quelle direction prendre ensuite. C'est dangereux. Les usagers qui suivent sont obligés de réaliser des acrobaties pour les éviter et cette pratique nuit à l'efficacité de l'écoulement des utilisateurs. Je peux comprendre que l'émotion du transport en escalier mécanique désoriente, mais il est toujours possible de reprendre ses esprits ailleurs que sur le pas de l'escalier, non? Juste quelques mètres.


Le passage en caisse dans les supermarchés donne lieu à de nombreux comportements inefficaces. Je ne citerai que celui où le client (ou la cliente) regarde sans bouger la caissière sous-payée passer un à un les articles et les laisse s'accumuler dans la zone de réception du tapis de la caisse. Quand tous les articles sont passés, le client paie et seulement alors commence à transférer ses achats du tapis à son chariot afin de libérer la caisse. Quelle perte de temps! Et encore une fois, on peut facilement l'éviter avec une dose de multitâche.


Quand on observe un peu, on se rend compte qu'aucun domaine de la vie courante n'échappe aux pratiques inefficaces. C'est également vrai pour la circulation routière. Visualisez une rue avec une circulation dans les deux sens. Vous roulez dans un sens. La voiture devant vous s'arrête pour laisser passer le flot de voiture venant en sens inverse avant de tourner à gauche vers l'entrée du parking d'un immeuble. Vous me direz qu'il n'y a pas de quoi s'énerver. Sauf que si cette voiture avait continué encore 50m, elle aurait atteint un rond-point qui lui aurait permis de prendre la rue dans l'autre sens. Elle serait alors rentrée dans le parking sans gêner l'autre sens de circulation (le mien). Pourquoi y a-t-il de plus en plus de ronds-points dans nos villes? Parce qu'ils permettent de fluidifier le trafic, la circulation devient plus efficace, utilisons-les!


Il n'y a pas que dans les interactions entre personnes que l'inefficacité s'insinue. On la retrouve dans les DRMs par exemple. Que sont les DRMs si ce n'est un moyen de rendre la jouissance des contenus numériques moins efficace? Ne pas pouvoir écouter un morceau de music acheté chez Apple sur une machine Linux n'est pas un signe d'efficacité. Même chose concernant le spamming. C'est un gâchis phénoménal de ressources pour un rendement ridicule. La technique n'est pas efficace en elle-même, et elle empêche les internautes d'utiliser efficacement le courrier électronique.


A son niveau, Vista ajoute sa pierre à l'édifice dédié à l'inefficacité. Sous prétexte de protéger le «Premium Content» des majors de la musique et du cinéma, le dernier né de Microsoft est truffé de systèmes qui auscultent en permanence la machine sur laquelle il tourne, monopolisant des ressources auxquelles l'utilisateur n'a plus accès. Mettez dans votre PC une carte vidéo qui ne plaît pas à Microsoft/Hollywood et il vous sera impossible de jouer un contenu HD. D'autres systèmes du même acabit gravitent autour des cartes sons, des disques durs, etc. Parlons d'efficacité! Microsoft m'énerve.


Certains comportements au travail m'énervent aussi. La manie de mettre en copie la hiérarchie à chaque envoi électronique par exemple. C'est un moyen (trop) facile de se couvrir. Le problème est que la hiérarchie est submergée de courrier électronique qui ne la concerne pas. Par conséquent elle les ignore. A présent, si on veut être certain qu'un e-mail soit lu, il faut téléphoner pour prévenir. C'est efficace, ça?


L'efficacité est une vertu qui dépasse le simple individu. Encore faut-il faire l'effort d'évaluer nos actions quotidiennes du point de vue de la collectivité. Mettons nos petites personnes au second plan et commençons à oeuvrer pour la communauté, la ville, la région, le pays, la planète, l'espèce humaine en général.



4 juin 2007

Interdire les Spam?


Si vous êtes l'heureux(se) bénéficiaire d'une adresse e-mail, vous avez sans doute déjà été confronté(e) aux spams. Ces messages de toutes sortes encombrent votre boîte à lettres électronique et sont sans intérêt. Pour éliminer ce fléau, certains pays légifèrent et interdisent purement et simplement cette pratique. Je ne suis toutefois pas certain que ce soit le meilleur moyen d'y arriver.


Un spam est un e-mail de publicité non sollicitée qui est envoyé à votre adresse électronique. Il implique deux capacités: constituer un répertoire d'adresses électroniques et envoyer des mails en masse. La première s'obtient facilement en parcourant le web et en collectant toutes les adresses qui y sont rencontrées; des logiciels spécialisés le font automatiquement et des listes d'adresses se négocient entre spammeurs. La deuxième passe par le contrôle à distance d'ordinateurs mal protégés pour leur faire envoyer les spams. Avec une armée de plusieurs milliers de ces «zombies», on peut propager facilement de grandes quantités d'e-mails.


Les spams sont légion parce que le modèle économique qui les soutient est performant. La principale raison est que, contrairement aux prospectus en papier, un spam ne coûte presque rien à fabriquer. Qui plus est, il ne coûte pas grand chose non plus à distribuer. Par conséquent, seulement une infime partie des spams a besoin de toucher sa cible, ce qui se produit immanquablement lorsque les spams sont acheminés par millions.


En fait, c'est nous qui payons le prix des spams. Leur masse a un effet sur chacun d'entre nous. Ils nous coûtent en temps et en productivité car tant qu'on détruit des spams, on ne fait pas autre chose. Ils coûtent en bande passante car l'espace qu'ils occupent n'est plus disponible pour d'autres contenus. Ils coûtent en sécurité car les spammeurs collectionnent le plus de «zombies» possible, ouvrant la voie à des malwares bien moins inoffensifs.


Combattre les spams est techniquement difficile. Il existe bien des logiciels qui essaient de filtrer les mails à notre place, mais ils sont soit trop efficaces et bannissent des e-mails légitimes (déjà demandé pourquoi votre correspondant(e) n'a jamais reçu le mail que vous êtes certain(e) d'avoir envoyé?), soit pas assez efficaces et laissent passer les spams de toute façon. De plus, ces moyens techniques ne sont pas gratuits.


Que faire alors? Lorsque des moyens techniques échouent à rendre une pratique impossible, il suffit de la rendre illégale. C'est la voie empruntée par les DRMs: la loi DADVSI prévient une copie que les DRMs ne peuvent empêcher. La Suisse a choisi cette approche et a rendu le spamming illégal. Les internautes peuvent porter plainte lorsqu'ils reçoivent du courrier électronique indésirable et les autorités enquêtent pour retrouver le spammeur et le traduire en justice.


Malheureusement ce système a des limites. D'abord celles des frontières du pays. Si le spammeur est à l'étranger, les autorités ont peu de recours possibles. Ensuite, les propriétaires de «zombies» qui participent au spamming à leur insu seront considérés comme des complices et devront prouver leur innocence. La loi ne fait pas dans le détail. Par conséquent, transférer dans la loi ce que la technique ne sait pas faire n'est probablement pas une bonne solution.


Un moyen efficace de prévention des spams serait d'invalider leur modèle économique. On pourrait par exemple essayer d'augmenter les coûts de production des spams, quoi que dans un monde digital, je vois mal comment y arriver. On pourrait aussi essayer d'augmenter les coûts de propagation des spams. Mais comme les spams sont des e-mails, je vois mal faire accepter aux millions d'internautes de payer un timbre numérique pour envoyer un mail. Il faudrait faire payer les spams en épargnant les mails normaux. Le moyen judicieux de décourager les spams est encore à inventer et il doit porter sur le modèle économique pour être efficace.


En attendant, nous pouvons déjà agir à notre niveau. Le premier pas consiste à considérer son adresse mail comme la clé de chez soi: on n'en fait pas des copies multiples qu'on distribue à tous les vents. Ayez les mêmes réflexes que pour les paiements en ligne. Quand un site vous demande votre adresse mail, faîtes une recherche pour savoir qui est derrière le site, évaluez s'il est digne de confiance. Ensuite, ne répondez jamais à un spam, cela valide votre adresse. Finalement, protégez votre ordinateur pour ne pas diffuser involontairement des spams. Le meilleur moyen étant d'abandonner Windows et de se tourner vers les distributions Linux ou d'opter pour une solution Apple.


Toutes les protections contre les spams sont relatives, même celles que je viens de citer. C'est une course à l'armement dans laquelle les spammeurs ont l'avantage. D'ailleurs, une nouvelle génération de spams qui rendent inefficaces les filtres existants est en train d'apparaître. Leur tactique est simple: plutôt que d'envoyer du texte, les spammeurs envoient des images qui sont difficilement analysables automatiquement. La guerre n'est pas terminée.

23 mai 2007

Le véritable prix des gratuits


On voit fleurir de plus en plus de quotidiens gratuits dans nos rues. Leur multiplication semble confirmer la viabilité de leur modèle économique sous-jacent. Le principal bénéfice qu'en retire le lecteur est lié à son porte-feuille: il ne paie plus son journal. Mais est-ce un avantage? Dans un monde où rien n'est gratuit, quel prix payons-nous vraiment ces journaux?


En feuilletant un gratuit, on voit immédiatement qu'on obtient ce qu'on a payé, c'est à dire pas grand chose. Les sujets y sont médiocres et se concentrent sur le plus petit dénominateur commun des lecteurs. C'est le même principe que la télévision et on observe le même nivellement par le bas. Lorsqu'on a terminé de feuilleter un gratuit, on n'a pas appris grand chose.


Cette sensation de vide provient de la façon dont sont traités les sujets: en surface, proche de la caricature, en simplifiant à l'extrême. L'objectif est de rendre l'information consommable le plus rapidement possible, de maximiser le nombre de lecteurs et de ne pas faire d'ombre au contenu publicitaire. La presse classique a une démarche opposée d'investigation et d'approfondissement, une voie nécessaire pour apprendre effectivement quelque chose.


Le lecteur d'un gratuit n'a aucune influence sur le contenu. Il n'a pas le moyen de montrer sa désapprobation en n'achetant plus un journal, il ne peut pas «voter avec son portefeuille.»


Il est néanmoins un élément de l'équation. Pour attirer les annonceurs, le journal doit leur décrire son lectorat type. Les informations liées à la vente étant exclues, il se sert de sondages pour en apprendre le plus possible. Par conséquent le lecteur paie son journal en acceptant la nuisance des sondages.


La collectivité paie aussi un tribut par le recyclage du papier. Les gratuits sont abandonnés dans les trains, les bus, les cafétérias, les gares et les poubelles publiques (parfois ils sont distribués directement dans les poubelles). Vite lus, vite jetés, ils génèrent une quantité non négligeable de déchets pris en charge par la collectivité. Chaque contribuable participe à la prospérité des gratuits.


Les contre-parties que j'ai citées jusqu'ici sont somme toute acceptables et les gratuits ne sont pas seuls en cause. Il en existe toutefois une qui me parait intolérable: la fin d'une information indépendante.


Un journal est sensé informer. C'est un outil dont s'est doté le peuple pour contrôler la bonne marche de la société. Or ce contrôle ne fonctionne que si l'information circule effectivement. Pour publier une information sans entraves, les journaux essaient d'être le plus indépendant possible. Cette indépendance est principalement garantie par la liberté d'expression, une liberté fondamentale dans une démocratie. Elle nous permet d'exprimer ce que bon nous semble (dans les limites de la loi) sans crainte de représailles.


L'indépendance n'est toutefois guère possible au niveau financier. La vente des journaux ne suffit pas à couvrir l'ensemble des frais de fonctionnement. Par conséquent, d'autres sources de financement sont nécessaires, la plus commune étant la publicité. L'argent des annonceurs ne permet pas de contrôler directement l'information, mais il l'influence. Noam Chomsky décrit le mécanisme de cette influence dans son livre «Manufacturing Consent». Il l'appel l'effet «flak»: la disparition du budget d'un annonceur peut avoir des conséquences fâcheuses sur un journal. Ne voulant pas être responsables, les journalistes ont tendances à s'autocensurer pour ne pas mettre le journal en porte-à-faux devant un annonceur.


Dans ce même livre, Noam Chomsky donne quelques conseils sur comment obtenir une information impartiale. D'abord, il faut plus d'une source d'information pour comparer et mettre les sujets en perspective. Ensuite il faut choisir des sources qui sont principalement financées par les ventes et les abonnements. Il vaut mieux éviter celles qui ont recourt à des financements alternatifs, ou privilégier celles qui les minimisent.


Que penser alors des gratuits qui se financent exclusivement grâce aux annonceurs? C'est une sacrée épée de Damoclès qu'ils se mettent au dessus de la tête. Jusqu'à quel point sont-ils indépendants? C'est peut-être pour cette raison que leurs sujets sont aussi peu creusés: moins on en dit, moins on froisse les susceptibilités. Mais dans ces conditions, comment le citoyen se forge-t-il une opinion éclairée?


Les journaux gratuits sont récents et n'ont pas encore trouvé leur véritable place dans le monde de la presse écrite. Pour ma part, je me tiens le plus loin possible de ces publications, de la même façon que je me tiens éloigné des télévisions commerciales. Je ne dis pas que tout ce qui est financé par la publicité est suspicieux, mais il faut être vigilant: s'il n'est pas possible de connaître l'influence des annonceurs sur le contenu éditorial, mieux vaut aller voir ailleurs. Ce n'est pas parce qu'un journal est gratuit qu'il faut le lire. Ne sacrifions pas notre sens critique sur l'autel de la gratuité.

13 mai 2007

DRM: Mauvais pour les artistes


Il y a quelque temps, j'ai écrit un billet à propos des DRMs («Digital Rights Management»). J'ai essayé de montrer que du point de vue du consommateur, ils n'étaient pas une bonne chose. Cette fois, je vais tenter de démontrer qu'ils ne sont pas non plus une bonne chose pour les artistes.


Les DRMs ne sont pas une bonne chose pour les artistes car ils ne fonctionnent pas, ils n'empêchent pas la copie. Toutes les implémentations ont été contournées. Même les dernières en date (Vista et HD-DVD et Blue-Ray) sont en train de céder. Les DRMs gênent le consommateur moyen (laissant au passage le souvenir d'une mauvaise expérience), et incitent le consommateur frustré, motivé et inventif à mettre un contenu sans protection à disposition du monde. Quant aux industriels, ils semblent privilégier une propriété émergente des DRMs: enfermer les consommateurs dans leurs produits. Dans l'ensemble, les DRMs tendent à limiter l'expérience des consommateurs.


Il y a une foule d'intermédiaires entre l'artiste et le fan/consommateur. Les fournisseurs d'équipements du paragraphe précédent permettent de jouir de la production d'un artiste (baladeurs, lecteurs DVD, lecteurs de e-books, ...). D'autres se sont réservés la capacité de faire les copies du contenu à distribuer (maison de disques, éditeur de DVDs, maison d'édition, ...). Dans un monde digital où faire des copies est au coeur de toute activité, les DRMs permettent à ces intermédiaires de subsister. Mais pourquoi défendent-ils leur capacité obsolète de faiseurs de copies si farouchement? Tout simplement parce qu'il ne leur reste plus d'autres rôles.


Historiquement, ils se sont présentés comme filtres entre les artistes et nous les consommateurs. Ils nous proposent les meilleurs artistes qu'ils ont pu découvrir pour nous simplifier le choix. Aujourd'hui on peut mettre en doute leur soucis de qualité. Il a largement été remplacé par celui de la profitabilité: les faiseurs de copies n'embarquent que les artistes qui pourront rapporter de l'argent, quel que soit le niveau de niaiserie (je vous renvoie aux «tubes de l'été» et aux «stars» fabriquées à la télévision). C'est une approche qui censure la liberté d'expression des artistes et qui entache la liberté de choix des consommateurs.


Le deuxième rôle qu'ils ont toujours assumé est celui de promoteur. Le problème est qu'aujourd'hui les budgets de promotions sont concentrés sur quelques artistes (les gros, ceux qui se vendent bien et qui paradoxalement en auraient le moins besoin) et sont négligeables pour tous les autres. C'est vrai pour la musique, mais aussi pour les livres et les DVDs. Les artistes négligés se sont alors tournés vers d'autres canaux de promotion apparus avec internet: les blogs, les sites communautaires (MySpace, FaceBook et autres), les podcasts, les vidcasts, et ça fonctionne. L'énorme avantage de ces approches est la création d'un contact direct entre l'artiste et les fans. Dans ce domaine, les faiseurs de copies sont complètement dépassés.


La troisième casquette qu'ils assumaient concerne la protection des artistes. Encore aujourd'hui ils mettent en avant les DRMs comme le moyen de protéger les droits des artistes. Comme je l'ai déjà dit plus haut, les DRMs n'empêchent pas la copie mais légitiment le rôle de faiseur de copies. De plus, quand on voit comment certaines maisons de disques traitent leurs artistes, on peut se poser des questions quant aux intérêts qu'ils protègent: ceux des artistes ou les leurs? N'oublions pas que leur objectif est de gagner de l'argent, le plus possible, le plus vite possible. La protection des artistes n'est pas une priorité.


Tout artiste essaie d'établir une relation avec le public. C'est un long travail essentiellement basé sur le ressenti et les émotions. Par conséquent c'est une relation fragile. Est-ce l'intérêt d'un artiste d'être associé aux frustrations et aux déceptions provoquées par les DRMs? Est-ce une bonne chose pour un chanteur de rester dans le souvenir des fans comme celui qui les force à acheter plusieurs fois la même musique (une fois pour l'iPod, une fois pour le téléphone, une autre fois pour le dernier baladeur)? Est-ce cool pour un film de rester dans les mémoires comme celui qui aura désactivé le dispendieux lecteur HD-DVD de la famille? Est-ce laisser une bonne impression chez le spectateur lorsqu'il est fouillé à l'entrée du cinéma comme un délinquant pour rechercher une caméra? Je n'en suis pas convaincu.


Les DRMs n'ont aucune chance d'améliorer le contact entre artistes et fans. Par conséquent, ils sont une mauvaise chose pour les artistes. Il est temps de rechercher d'autres façons d'entretenir cette relation avec les moyens de communication actuels. Les artistes ont aujourd'hui la possibilité d'entrer en contact avec le monde entier et de diffuser leur contenu sans intermédiaires. Ils peuvent même inventer de nouvelles approches commerciales comme demander aux fans d'acheter un disque d'avance et d'utiliser l'argent pour produire le disque, une forme moderne du mécénat. Un nouveau monde est à inventer pour les artistes, au boulot!

5 mai 2007

Biocarburants


J'ai entendu à la radio que les premiers essais de réacteurs d'avion fonctionnant au biocarburant venaient de se dérouler avec succès. Le responsable déclarait fièrement que rien ne s'opposait plus à ce que les avions de ligne volent bientôt avec du carburant vert. Je ne pense pas que ce soit une bonne nouvelle car les biocarburants ne sont ni une alternative viable à la pénurie future de pétrole, ni un moyen durable de limiter l'effet de serre.


Un biocarburant est un alcool ou une huile obtenu à partir de végétaux. L'huile est tirée d'oléagineux du genre colza et vise des carburants du type gasoil, les alcools sont issus de la fermentation du sucre contenu dans des plantes (céréale, betterave, canne à sucre, etc) pour remplacer l'essence. Le nom «biocarburant» est d'ailleurs mal choisi. Dans l'alimentation, un produit bio est cultivé dans le respect de la nature. Ce n'est pas l'objectif des végétaux pour carburant. On devrait les appeler phytocarburants pour éviter les confusions.


Depuis quelques mois les phytocarburants tiennent la vedette aux informations. Pourtant il est exclus qu'ils remplacent les carburants actuels lorsque le pétrole aura disparu. En effet, pour y parvenir il faudrait cultiver une surface qui correspond à deux fois celle de la Terre; ce sera difficile. Non, j'ai l'impression que les phytocarburants sont utilisés comme écran de fumée pour en faire le minimum tant que les industries en place fonctionnent encore. Cerise sur le gâteau, on nous les présente comme moyen de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais leurs vertus en ce domaine ne sont pas miraculeuses.


Si on fait le bilan écologique d'un litre de phytocarburant (phytoéthanol), on se rend compte qu'il «coûte» 1/2 litre d'équivalent énergie. Aujourd'hui cette énergie est fournie par du pétrole! Et puis il ne faut pas perdre de vue que le rendement des phytocarburants est moins bon que celui des carburants classiques, donc les voitures consomment davantage. De plus, il faudra être vigilant quand aux techniques agricoles employées: quid des pesticides, de l'eau, des surfaces monopolisées? Le tableau n'est pas aussi rose qu'il y paraît.


La situation s'assombrirait d'ailleurs bien plus si les cultures pour phytocarburants entraient en compétition avec les cultures alimentaires. L'idée n'est pas saugrenue, le conflit s'est même déjà produit au Mexique où le prix du maïs a flambé face à la demande de l'industrie du bioéthanol. Le maïs étant la principale source d'alimentation du Mexique, on peut comprendre les protestations de la population.


L'aspect éthique des phytocarburants n'est pas à négliger. De quel droit les pays riches occuperaient des surfaces cultivées pour produire du carburant alors que tant d'êtres humains meurent de faim encore aujourd'hui? En 2001, un enfant mourrait toutes les 7 secondes des conséquences de la malnutrition. La situation n'a guère évolué de nos jours. Il serait plus acceptable de valoriser des déchets agricoles déjà existants avant de se lancer dans de nouvelles cultures. Heureusement que de tels projets sont aussi à l'étude.


Le principal avantage de ces carburants alternatifs est leur faible rejet de CO2 dans l'atmosphère, ou plutôt, ils rejettent le CO2 que la plante a absorbé. C'est une bonne nouvelle pour le réchauffement climatique. Seulement ils rejettent d'autres composés qui ne sont pas neutres. Pourquoi la maîtrise des gaz à effet de serre devrait se faire au dépend de notre santé? Où en sont les études à ce niveau?


L'autre «avantage» des phytocarburants est qu'ils ne perturbent pas trop les industries existantes. Les automobiles et autres véhicules ne sont pas fondamentalement bouleversés par le changement de carburant. Il faut ajuster des moteurs mais le métier industriel ne change pas. Les constructeurs n'ont que des investissements mineurs à effectuer. Les pétroliers ne sont pas mécontent puisque les phytocarburants sont associés au carburants existants. Et puis il faudra toujours transporter et distribuer ces carburants. Les pétroliers sont aux premières loges avec leurs infrastructures en place. Cette relative innocuité des phytocarburants n'incite pas les industriels à rechercher d'autres solutions plus durables. Pourquoi faire plus d'efforts quand il existe une solution provisoire qui ne bouleverse pas votre modèle économique et qui permettra d'épuiser la filière du pétrole jusque la dernière goutte?


Les phytocarburants ne sont pas une réponse durable à la raréfaction du pétrole et au réchauffement climatique. Ils sont une voie à explorer, mais il ne faut certainement pas mettre tous nos oeufs dans le même panier. On peut commencer par essayer de consommer moins d'énergie. Ensuite on peut se doter de plusieurs alternatives afin d'éviter de retomber dans une dépendance énergétique de l'ampleur du pétrole. N'oublions pas que la seule énergie gratuite sur Terre est celle qui provient du Soleil. Elle n'est pas exploitée aujourd'hui alors qu'elle constitue la meilleure source disponible. Elle a cependant l'énorme désavantage de mettre hors-jeu toute l'industrie pétrolière d'un seul coup. Est-ce pour cette raison qu'elle tarde à percer?

26 avr. 2007

Les Podcasts


Depuis quelques mois, je consomme beaucoup moins de télévision. D'abord parce que je n'y trouve plus grand-chose d'intéressant, ensuite parce que les télévisions sont devenues trop avilissantes. Puisque leur objectif est de faire de l'audience, elles recherchent le plus petit dénominateur commun à tous les téléspectateurs et par conséquent nivelle le contenu par le bas. Quoi qu'il en soit, la télé ne me manque pas car j'ai trouvé un autre divertissement: les podcasts.


Le podcast résulte de la combinaison du blog, des fichiers mp3 et des flux RSS. Le blog est un site internet dans lequel l'auteur dépose, quand il le souhaite, des messages sur des sujets divers et variés. Un flux RSS permet d'être tenu au courant des ajouts à un blog sans aller le consulter. Il suffit de s'abonner à un flux avec un agrégateur pour qu'il vous prévienne dès qu'il y a du nouveau. Un podcast est un blog dans lequel les messages sont des fichiers audio. L'agrégateur de podcast (ou «podcatcher») télécharge les fichiers audio lorsqu'ils sont disponibles, il ne reste qu'à les écouter.


La forme audio offre deux avantages. D'abord, un son ne monopolise qu'un seul sens. Les autres sont libres, ce qui nous permet d'entreprendre d'autres activités pendant l'écoute d'un contenu (conduire, courire, voler, lire, écrire, marcher, etc). L'autre avantage concerne la fiction. Ecouter une histoire (tout comme la lire) sollicite plus l'imagination que lorsqu'on voit la même histoire défiler dans un film. Etant un lecteur assidu, j'attache beaucoup d'importance à l'imagination. J'ai toujours été déçu par les adaptations de romans, je préfère le film que je me fais dans la tête, plus profond, sans limite de budget et de temps.


A la différence des programmes radio classiques, le podcast est asynchrone. Vous n'avez pas besoin d'être disponible au moment de la diffusion pour en profiter. Votre podcatcher se charge de rapatrier les fichiers audio dès leur apparition, vous décidez quand et comment vous les écoutez. Cette liberté de jouissance est rafraîchissante dans le contexte audiovisuel actuel. J'ai repris le contrôle de mes loisirs, je ne suis plus l'esclave d'une programmation arbitraire.


L'intérêt principal des blogs réside dans l'interactivité. Poster un commentaire dans un bulletin ne prend qu'un click. Les podcasts ne renient pas leur origine: ils sont tout aussi interactifs. Ils est fascinant de voir l'effet d'un commentaire sur les épisodes successifs. Mieux, certains podcasteurs font appel aux auditeurs avant un épisode et sollicite du contenu ou des avis pour les intégrer dans l'épisode. Peut-on être plus interactif?


Tout le monde peut faire un podcast. Par conséquent, la diversité de contenu est impressionnante. On trouve de tout: du médiocre à l'excellent. Cette large palette ne facilite pas la recherche. Il faut se montrer patient, essayer quelques épisodes, laisser du temps à chaque podcast, mais ne pas hésiter à se désabonner et aller voir ailleurs si ça n'accroche pas. Ce qui est formidable, c'est la possibilité de trouver ce qui ne se fait nulle part ailleurs: des podcast dédiés à la bière, à l'écriture, la science fiction, la technique de podcast, etc; la liste n'est pas exhaustive (beaucoup en anglais mais il en existe aussi en français).


Pour moi, la plus belle utilisation du podcast concerne la fiction. On trouve pas mal de podcasts qui «publient» des histoires au format audio. Des auteurs qui n'ont pas réussi à se faire publier par une maison d'édition lancent leur podcast. Ils y lisent leurs livres chapitre par chapitre pour attirer l'attention. Certains ont plus de talent que d'autres mais si on aime écouter des histoires (comme les feuilletons radio des années 50 et 60), il y a pléthore de sources. Il existe un site qui offre un tremplin à tous ces auteurs, PodioBooks.com. Vous y trouverez un catalogue impressionnant de livres audio. Ai-je précisé que c'était gratuit? Toutefois, si une histoire vous plaît, faites un don, les 3/4 seront versés à l'auteur. Je trouve l'idée géniale.


Les podcasts ont tellement de succès qu'ils ont donné des idées aux vidéastes. Les Vidcast font leur apparition. J'en ai trouvé un très impressionnant: Strangerthings.tv. Ils publient une fiction de 30 minutes tous les mois, d'une qualité irréprochable. Il ne fait aucun doute que de tels contenus vont continuer d'apparaître, mais je continuerai de préférer les podcasts.


Vous commencez à comprendre pourquoi je ne regarde plus la télé? Je suis abonné à 25 ou 30 podcasts et une demi-douzaine de vidcasts. J'ai des heures de contenu à écouter chaque semaine; plus de temps pour la télé...

21 avr. 2007

DRM: mauvais pour les consommateurs


Le progrès est fait de révolutions: la pierre taillée, l'agriculture, les machines à vapeur, et dernièrement le numérique. Tout devient numérique: photo, film, TV, etc. Cette transition ouvre des portes au consommateur (plus de contrôle, de souplesse, de convivialité), mais comme toute médaille le numérique a son revers. J'en aborderai un aspect avec les DRMs, qui sont mauvais pour le consommateur.


Le terme «Digital Rights Management» (DRM) recouvre un ensemble de moyens techniques attachés à des biens de consommation numériques (musiques et films essentiellement). Leur rôle est de tenter de supprimer le piratage et préserver les droits d'auteur dans le monde numérique. La volonté est louable car sans rémunération correcte, les auteurs n'ont plus aucune incitation à créer. Malheureusement, la protection des auteurs a été rapidement détournée à d'autres fins.


Les moyens techniques déployés dans les DRMs n'ont qu'un seul objectif: vous surveiller et vous empêcher de faire ce que le propriétaire des droits du contenu numérique juge contraire à son intérêt. Comme il ne veut prendre aucun risque, il a une vision très restrictive de vos droits. Il vous interdit donc ce que vous avez toujours fait: une copie de sauvegarde, un transcodage dans d'autres formats (en braille par exemple), un prêt, une revente, l'enregistrement d'un programme de télé, etc. A tel point que DRM pourrait être l'acronyme de «Digital Restriction Management».


C'est à ce niveau que l'on voit le premier effet pervers des DRMs. On a vendu le numérique aux consommateurs en leur promettant d'obtenir davantage qu'avec les produits classiques. Or c'est exactement l'inverse qui se produit, ils obtiennent moins. Par conséquent, ils mettent en place des stratégies de contournement. Puisque les produits piratés n'ont pas les restrictions des «originaux», c'est vers eux qu'ils se tournent. Pas parce qu'ils cherchent à nuire aux artistes, mais parce que c'est le seul moyen qu'ils ont de jouir normalement de leurs achats numériques. Les DRMs poussent au piratage.


Ils ont un autre effet négatif sur le consommateur: ils l'enferment dans une marque. Sous le prétexte fallacieux de rendre la vie difficile aux pirates, les moyens de protection sont tenus secrets. Par conséquent, chaque constructeur développe ses propres DRMs, tous incompatibles. Acheter un bien numérique, c'est choisir une route qu'il ne sera plus question de quitter sous peine de faire une croix sur vos achats (la musique achetée sur iTune Store ne fonctionne pas avec Zune; il vous faudra tout racheter une deuxième fois si vous passez chez Microsoft). Il me semble que c'est un moyen efficace de limiter le choix du consommateur, non?


Ce qui est désespérant, c'est que le principe des DRMs n'a aucune chance de fonctionner. D'abord parce qu'il est très difficile de donner à quelqu'un une boîte qui contient quelque chose en espérant pouvoir contrôler à distance ce qu'il advient du contenu (contenu auquel la personne a légitimement accès). Ensuite parce que le numérique n'est bon qu'à une chose: copier des bits. C'est ce qu'il fait de mieux en mieux et de plus en plus vite. Espérer contrer cette tendance paraît illusoire. Les DRMs essaient de forcer une rivière à remonter la pente. Comme ils n'y parviennent qu'incomplètement, on a légiféré pour en interdire le contournement. En France, c'est la loi DADVSI.


Les constructeurs se servent également des DRMs pour limiter l'innovation. Aucun autre constructeur ne peut produire un meilleur lecteurs mp3 qu'Apple capable de jouer la musique de iTunes, on doit se contenter de l'iPod. Cela va même jusqu'à prévenir la sortie d'appareils qui rendraient pourtant bien service au consommateur. Un juke-box vidéo qui stockerait nos DVDs sur disque dur et qui mettrait toute notre vidéothèque à portée de télécommande, par exemple. Il ne verra jamais le jour car contourner les protections des DVDs est illégal.


Les DRMs ne sont pas qu'appliquées dans la musique et les DVDs. En fait, les mesures de protections sont partout: dans les eBooks, dans les PDFs, dans les HD-DVD et blue ray, dans les canaux de diffusion de télévision (y compris TNT) et surtout derrière tout ce qui est estampillé HD. Sous prétexte d'une meilleure qualité d'image, l'industrie fait entrer dans nos salons des appareils qui vont limiter notre usage de la télévision (fini l'enregistrement des programmes si le diffuseur ne le veut pas). Est-ce que le gain de qualité en vaut la peine?


Les DRMs sont une mauvaise chose pour les consommateurs. L'industrie du divertissement essaie de nous convaincre que leur introduction est nécessaire. Elle l'est pour l'industrie, pas pour nous. Elle lui est indispensable pour soutenir son modèle économique basé sur le contrôle de la copie. Elle gagne de l'argent en faisant des copies. Si tout le monde peut en faire, sa source de revenu disparaît. Pourquoi ne met-elle pas au point un autre modèle économique comme elle a forcé les musiciens à le faire avec l'apparition des enregistrements? Un modèle dans lequel plus un contenu est copié par le consommateur, plus il rapporte de l'argent. Surtout que ce modèle existe déjà...

14 avr. 2007

Transparence Globale


Il y a quelques jours, je suis tombé sur un livre intéressant. Il traite de la Transparence Globale, de ses effets significatifs sur la gouvernance des pays et sur les relations qu'ils entretiennent. L'auteure attire notre attention sur le fait qu'il y a des effets positifs à la Transparence Globale (encensés par les gouvernements), mais qu'il y a également des effets négatifs beaucoup moins populaires mais néanmoins dangereux. Pour sa démonstration, elle adopte un point de vue large en restant au niveau des états. Je me suis alors demandé quels effets la Transparence Globale avait sur nous, les citoyens-consommateurs.


La Transparence Globale résulte de la large diffusion d'informations dans les démocraties. L'information circule parce que les gouvernements communiquent avec leur peuple, parce que les partis politiques cherchent à obtenir le pouvoir et parce que les pays ont entérinés des traités internationaux qui requièrent la divulgation d'informations les concernant. De plus, la présence de médias forts en renforce la propagation et les technologies actuelles de l'information invitent chaque citoyen à s'exprimer et à donner son avis. Il en résulte une grande quantité de renseignements qui brosse un portrait fidèle de chaque pays.


Les effets de cette Transparence sont à la fois bons et mauvais. Du côté positif, l'information permet aux peuples de conserver la mainmise sur les gouvernants et renforce l'enracinement de la démocratie. Du côté négatif, l'information disponible tend à réduire et sursimplifier les faits dans un soucis d'accessibilité. Les nuances disparaissent et il est par conséquent toujours possible d'y trouver des arguments qui renforcent des idées reçues (assimiler tous les musulmans à des terroristes, par exemple).


Toutes ces considérations sont d'ordre général. A notre niveau de citoyen-consommateur, quels sont les effets concrets? D'abord, notre côté citoyen bénéficie pleinement de la transparence (cette dernière n'étant que l'extension du jeu démocratique au fil des années). Mais tout n'est pas rose pour autant. Il nous faut être vigilants et veiller à amplifier les aspects positifs de la transparence tout en cherchant à éliminer les aspects négatifs (les opinions à l'emporte-pièce sont encore trop nombreuses et stigmatiser des groupes sociaux reste un moyen commode de détourner l'attention).


Quant au consommateur qui cohabite avec le citoyen, il est dans une situation bien moins favorable. La raison en est simple: la Transparence Globale n'existe pas pour lui.


Le consommateur n'est qu'un intervenant de la machine économique. On y compte aussi les entreprises qui fournissent les biens de consommation. Or, si on sait que la transparence prospère dans un écosystème de démocraties, on peut se demander comment circule l'information dans un écosystème de dictatures? En effet, une entreprise n'est autre qu'une dictature à petite échelle. Un employé n'est pas un citoyen de l'entreprise, son rôle est de faire fructifier les intérêts de l'entreprise. Dans de telles conditions, il ne peut pas être une source d'information à l'instar du citoyen.


De son côté une entreprise n'émet que très peu d'information vers l'extérieur. En fait, rien ne l'y oblige (si ce n'est certains indicateurs économiques). L'équivalent des traités internationaux entre démocraties n'existe pas entre entreprises. Il en résulte une culture du secret qui est justifiée par la préservation des avantages concurrentiels: une entreprise en dit le moins possible pour éviter de se faire subtiliser ses idées. Incidemment, c'est aussi un moyen pratique de dissimuler ce qui est embarrassant (sécurité, risques, déontologie économique).


L'information qui sort effectivement des entreprises, la publicité, tient plus lieu de propagande que d'information. Elle n'offre que peu de contenu objectif au profit d'un effort de présentation qui tient lieu de miroir aux alouettes ou de technique de prestidigitation.


Les associations de consommateurs essaient de jouer vis-à-vis des entreprises le même rôle que les Organisations Non Gouvernementale qui aiguillonnent les gouvernements. Malheureusement, leur efficacité est nettement moindre. D'abord parce que l'information est difficile à trouver, ensuite parce que leurs moyens ne les autorisent qu'à un accès restreint aux médias. Le rapport de force en ce domaine est largement déséquilibré.


Il y a toutefois un espoir dans ce sombre tableau: nous bénéficions d'une technologie de l'information très efficace. Elle devrait nous permettre, à nous les consommateurs, de construire nos propres canaux médiatiques pour diffuser le plus d'information possible à propos des entreprises et de leurs produits. A nous de jouer les ONGs de la consommation. Nous avons pour nous le nombre: il y a plus de consommateurs que d'entreprises. A nous de les forcer à intégrer nos critères dans leur communication. Certains apparaissent déjà sous forme de label (commerce équitable, développement durable, etc.) Nous avons les moyen de rétablir l'équilibre, il faut nous y mettre et reprendre la parole.

6 avr. 2007

Chauffer de l'eau peut paraître simple, rien de plus faux...

Je ne cesserai jamais de m'émerveiller devant les surprises que nous réservent les lois de la physique et de la chimie. On croit avoir compris un phénomène pendant des années jusqu'au jour où la nature nous dévoile une nouvelle facette et remet en cause nos connaissances. C'est ce qui m'est arrivé ce matin au boulot en préparant mon thé.


Je ne bois pas de café car je n'aime pas le goût. A la place, je prends du thé. D'un point de vue social, les rôles respectifs du café et du thé sont très similaires. C'est par ce biais que je participe à la réunion informelle du café matinal sans pour autant me ruiner la santé. Nous avons investi dans une bouilloire pour chauffer de l'eau et je fais infuser mon thé préféré chaque matin. Aujourd'hui comme tous les jours, je m'apprêtais à chauffer l'eau mais impossible de mettre la main sur la bouilloire. Jusqu'à ce que je me rappelle qu'elle était chez moi, je l'y avais oubliée.


Deux questions se posent en lisant ce qui précède: pourquoi est-ce que la bouilloire du travail était chez moi et comment ai-je fait pour oublier ça? Je vais commencer par éclaircir le deuxième point: c'était un lundi matin. Vous connaissez beaucoup de gens qui sont efficaces en arrivant au travail le matin? Le lundi en particulier? Quant au premier point, il tient au fait que notre eau est très calcaire. Après deux semaines, le dépôt dans la bouilloire allonge significativement le temps d'ébullition. Je prends donc sur moi d'emmener la bouilloire chez moi le week-end pour éliminer le tartre, ce que j'ai fait cette semaine.


Heureusement nous avons de la ressource. Outre la fameuse bouilloire, le bureau compte un four à micro-ondes que personne n'utilise. C'est un four quelconque et bon marché mais suffisant pour chauffer un peu d'eau. J'ai donc rempli mon mug d'eau froide, l'ai placé dans le four bien au centre du plateau, fermé la porte, réglé la puissance au maximum et lancé un cycle de 3 minutes. Je dois dire qu'à ce moment précis j'étais assez fier de moi. Je venais de faire montre d'une capacité d'adaptation extraordinaire de si bon matin. C'est le ding de la fin du cycle de chauffage qui m'a sorti de ma béatitude matinale.


J'avais donc un mug d'eau fumante devant moi. La suite des opération consiste à faire infuser des feuilles de thé emprisonnées dans une cuillère à thé pendant quelques minutes. Il suffit ensuite de retirer la cuillère et le thé est prêt. Le seul inconvénient de cette technique est qu'il reste des petits débris de feuilles qui se sont échappés par les trous de la cuillère. Heureusement, ils coulent rapidement au fond du mug et ne gênent en rien la dégustation. C'est en essayant d'appliquer cette recette ce matin que les lois de la nature m'ont pris au dépourvu.


D'abord, je n'avais jamais vu du thé mousser en infusant. Pour créer des bulles dans de l'eau il faut beaucoup agiter. Ici aucun mouvement, mon thé s'est mis à mousser tout seul! J'ai utilisé le même thé, la même cuillère, le même mug et la même eau que d'habitude. Seul le chauffage de l'eau était différent. Etait-ce suffisant pour provoquer l'apparition de mousse?


Ce n'est pas tout. De petits débris de thé se sont échappés de la cuillère comme les autres jours, rien de plus normal. Sauf qu'au lieu de s'accumuler au fond du mug, ils se sont mis à flotter à la surface! Je ne vous raconte pas les contorsions labiales nécessaires pour boire du thé en évitant les petits morceaux de feuilles qui flottent. Une paille m'aurait bien été utile.


Et pour couronner le tout, le goût était complètement différent.


J'ai cherché une explication en vain. La seule différence entre le thé de ce matin et celui des autre jour résidait dans la façon de chauffer l'eau. Je n'arrive pas à croire que le chauffage au micro-onde puisse corrompre de l'eau à ce point. Après tout, on ne fait que provoquer l'agitation des molécules d'eau dans les deux cas. Est-ce suffisant pour changer les propriétés de l'eau?


Et puis je me suis rappelé qu'un des principes de la science est d'accepter de ne pas tout savoir et rester humble devant la nature et ses mystères. Il me suffira de ne plus oublier la bouilloire.

29 mars 2007

RFID, tout pour mal finir...

La technologie peut rendre de grands services. Le mot clé dans la phrase précédente est «peut». Nous connaissons tous des exemples de technologies qui semblaient être de bonnes idées au départ, mais qui se sont transformées en cauchemars à un moment. Je n'en citerai qu'un: la fibre d'amiante. Elle a d'excellentes vertus ignifuges, mais provoque des cancers du poumon si on en respire. La technologie RFID ne provoque pas de maladies mais pourrait bien nous nuire d'une autre façon.


RFID est l'acronyme de «Radio Frequency IDentification». C'est une puce qui retourne une série d'informations lorsqu'elle excitée par un signal radio. Pas de pile ni de batterie, l'énergie provient du signal lui-même. La destination première de cette puce était d'accélérer l'identification et le tri industriel. Le coli/pièce/moteur/conteneur parcourt un circuit balisé de portiques qui identifient et orientent l'objet automatiquement. L'énorme avantage réside dans la lecture sans contact qui ne ralentit pas le déplacement de l'objet. C'est industriellement efficace.


Les promoteurs de la technologie ont cherché d'autres applications pour diversifier le marché. Elle est à l'origine d'une série de nouveaux «services» dans le monde de la distribution: remplacer les étiquettes de prix par des puces RFID permet d'accélérer le passage en caisse, ou encore de fournir des indications détaillées sur un produit en l'approchant d'une borne. Vous me direz qu'il n'y a rien de bien méchant dans ce genre de service et je serai d'accord avec vous. Il en existe toutefois d'autres bien moins inoffensifs.


Il y a un «service» qui me chagrine particulièrement. Il est question de se servir de ces puces pour étudier le comportement des clients dans un magasin. On repère les consommateurs à la signature que laisse les produits dans leur chariot. On est ce qu'on achète. Grâce à cette signature, on peut suivre le parcours de chaque personne dans les allées et étudier son comportement. Vous aimeriez faire vos courses avec un représentant du magasin qui suit chacun de vos pas et note tout ce que vous achetez? C'est une partie de votre individualité qui vous échappe sans aucune contre-partie. Il y a un garde-fou toutefois: même si le magasin recueille la signature de votre chariot, il ne sait pas qui vous êtes.


Imaginez les conséquences si on décidait de mettre les informations qui vous identifie dans une telle puce. D'accord, on a déjà une carte d'identité et qu'elle soit électronique ou papier, il n'y a pas une grande différence. Sauf que vous savez quand quelqu'un consulte votre carte: c'est vous qui la donnez, et je suis certain que vous ne la montrez pas au premier venu. Avec une puce RFID, on pourra vous contrôler sans que vous soyez au courant. Vous ne saurez pas qui vous contrôle, si le contrôle est légitime et ce qu'il advient des données qui auront été extraites. On pourrait même vous voler votre identité.


Ce serait moche, hein? Et bien c'est réel, et c'est maintenant. A la suite d'accords internationaux consécutifs au 11 septembre, les passeports doivent comporter une puce RFID contenant vos données d'identification. Les autorités de la plupart des pays européens ont commencé à en doter leur population depuis environ une année.


OK, le tableau n'est pas aussi noir car il y a des protections en place. Les données sont cryptées et les couvertures du passeport empêche la lecture de la puce s'il est fermé. Le danger est toutefois réel: il est toujours possible d'espionner à distance l'échange entre le passeport et le lecteur. Il y a des démonstrateurs qui fonctionnent à plus de 10 mètres. A partir de là, tout est possible.


La morale de l'histoire est que ce qui anodin et valide pour un paquet ne l'est pas pour un individu. Qui plus est, l'avantage de la lecture sans contact est certainement un avantage dans l'industrie, mais ne se justifie absolument pas dans le cas du passeport. La preuve: on empêche la lecture distante avec des couvertures métallisées. Pourquoi pas une lecteur avec contact genre carte à puce? Je me demande si les millionnaires qui ont fait leur fortune sur le triplement du marché des puces RFID ces dernières années ont joué un quelconque rôle dans ce choix discutable...


(Ajout 2 avril 2007: un article intéressant sur le même sujet)


25 mars 2007

La télé commerciale et ses dérives

Je ne sais pas vous, mais je ne supporte plus les télévisions commerciales. Ce qui m'insupporte le plus, ce sont les dérives qu'elles engendrent dans leur inexorable marche en avant.


Une télé commerciale n'existe pas pour faire plaisir à ses spectateurs, elle existe pour gagner de l'argent. Leur principale source de revenu provient de la publicité. Une chaîne vend de l'espace publicitaire à des annonceurs, fournissant l'accès à des paires d'yeux disponibles. Si elle peut garantir un grand nombre de téléspectateur, elle vendra son espace à un prix élevé, donc gagnera beaucoup d'argent.


La dérive la plus flagrante est une conséquence directe de ce modèle: la recherche du plus petit dénominateur commun chez le téléspectateur pour maximiser l'audience. La chaîne doit proposer des programmes abordables par le plus grand nombre, sans efforts. Elle ne prendra aucun risque avec ses programmes, et surtout pas celui de faire réfléchir le spectateur. On obtient un magnifique nivellement par le bas de la culture. Une série intelligente comme «Charlie Jade», produite en Afrique du Sud, n'a pas été diffusée sur les réseaux américains pour cette seule raison. En Europe francophone, elle a été proposée par France4, pas franchement un modèle de chaîne commerciale.


Tout est bon pour attirer le spectateur. Surtout ce qui fait appel à ses instincts: sexe, violence, jeu. Même dans le journal télévisée, pas question de prendre le temps d'expliquer les choses. 2 minutes maximum par sujet; au delà le spectateur moyen s'ennuie.


La dérive suivante est la recherche du contrôle du téléspectateur. Aujourd'hui, le contrôle est assez faible car les chaînes n'ont que leur contenu pour y arriver. Elles se servent ensuite des enquêtes médiamétries pour évaluer leur efficacité. Bientôt le contrôle sera plus invasif. Dans la mouvence de la TV HD et de la Télé numérique, de nouveaux moyens de contrôle arrivent dans notre salon: le diffuseur décidera pour vous si vous pouvez enregistrer ou pas un programme; si vous y êtes autorisé, il décidera également si vous pourrez zapper les publicités ou pas; il décidera combien de fois vous pourrez le regarder; il décidera si oui ou non votre matériel audiovisuel lui convient ou pas. C'est ce que permet la télévision numérique, mais personne n'en parle. Pour faire passer la pilule, on y inclut la TV HD avec ses promesses de qualité. A mon avis, le téléspectateur a plus à perdre qu'à gagner.


Je refuse de jouer à ce jeu là. Je veux avoir le contrôle de ce que je regarde, quand je le regarde et comment je le regarde. J'ai donc décidé de ne plus consommer de télés commerciales. A la place, je me suis tourné vers les podcasts et les vidcasts. Je n'utilise plus ma télévision que pour regarder des DVDs.


Et ça fait un bien fou.