21 avr. 2007

DRM: mauvais pour les consommateurs


Le progrès est fait de révolutions: la pierre taillée, l'agriculture, les machines à vapeur, et dernièrement le numérique. Tout devient numérique: photo, film, TV, etc. Cette transition ouvre des portes au consommateur (plus de contrôle, de souplesse, de convivialité), mais comme toute médaille le numérique a son revers. J'en aborderai un aspect avec les DRMs, qui sont mauvais pour le consommateur.


Le terme «Digital Rights Management» (DRM) recouvre un ensemble de moyens techniques attachés à des biens de consommation numériques (musiques et films essentiellement). Leur rôle est de tenter de supprimer le piratage et préserver les droits d'auteur dans le monde numérique. La volonté est louable car sans rémunération correcte, les auteurs n'ont plus aucune incitation à créer. Malheureusement, la protection des auteurs a été rapidement détournée à d'autres fins.


Les moyens techniques déployés dans les DRMs n'ont qu'un seul objectif: vous surveiller et vous empêcher de faire ce que le propriétaire des droits du contenu numérique juge contraire à son intérêt. Comme il ne veut prendre aucun risque, il a une vision très restrictive de vos droits. Il vous interdit donc ce que vous avez toujours fait: une copie de sauvegarde, un transcodage dans d'autres formats (en braille par exemple), un prêt, une revente, l'enregistrement d'un programme de télé, etc. A tel point que DRM pourrait être l'acronyme de «Digital Restriction Management».


C'est à ce niveau que l'on voit le premier effet pervers des DRMs. On a vendu le numérique aux consommateurs en leur promettant d'obtenir davantage qu'avec les produits classiques. Or c'est exactement l'inverse qui se produit, ils obtiennent moins. Par conséquent, ils mettent en place des stratégies de contournement. Puisque les produits piratés n'ont pas les restrictions des «originaux», c'est vers eux qu'ils se tournent. Pas parce qu'ils cherchent à nuire aux artistes, mais parce que c'est le seul moyen qu'ils ont de jouir normalement de leurs achats numériques. Les DRMs poussent au piratage.


Ils ont un autre effet négatif sur le consommateur: ils l'enferment dans une marque. Sous le prétexte fallacieux de rendre la vie difficile aux pirates, les moyens de protection sont tenus secrets. Par conséquent, chaque constructeur développe ses propres DRMs, tous incompatibles. Acheter un bien numérique, c'est choisir une route qu'il ne sera plus question de quitter sous peine de faire une croix sur vos achats (la musique achetée sur iTune Store ne fonctionne pas avec Zune; il vous faudra tout racheter une deuxième fois si vous passez chez Microsoft). Il me semble que c'est un moyen efficace de limiter le choix du consommateur, non?


Ce qui est désespérant, c'est que le principe des DRMs n'a aucune chance de fonctionner. D'abord parce qu'il est très difficile de donner à quelqu'un une boîte qui contient quelque chose en espérant pouvoir contrôler à distance ce qu'il advient du contenu (contenu auquel la personne a légitimement accès). Ensuite parce que le numérique n'est bon qu'à une chose: copier des bits. C'est ce qu'il fait de mieux en mieux et de plus en plus vite. Espérer contrer cette tendance paraît illusoire. Les DRMs essaient de forcer une rivière à remonter la pente. Comme ils n'y parviennent qu'incomplètement, on a légiféré pour en interdire le contournement. En France, c'est la loi DADVSI.


Les constructeurs se servent également des DRMs pour limiter l'innovation. Aucun autre constructeur ne peut produire un meilleur lecteurs mp3 qu'Apple capable de jouer la musique de iTunes, on doit se contenter de l'iPod. Cela va même jusqu'à prévenir la sortie d'appareils qui rendraient pourtant bien service au consommateur. Un juke-box vidéo qui stockerait nos DVDs sur disque dur et qui mettrait toute notre vidéothèque à portée de télécommande, par exemple. Il ne verra jamais le jour car contourner les protections des DVDs est illégal.


Les DRMs ne sont pas qu'appliquées dans la musique et les DVDs. En fait, les mesures de protections sont partout: dans les eBooks, dans les PDFs, dans les HD-DVD et blue ray, dans les canaux de diffusion de télévision (y compris TNT) et surtout derrière tout ce qui est estampillé HD. Sous prétexte d'une meilleure qualité d'image, l'industrie fait entrer dans nos salons des appareils qui vont limiter notre usage de la télévision (fini l'enregistrement des programmes si le diffuseur ne le veut pas). Est-ce que le gain de qualité en vaut la peine?


Les DRMs sont une mauvaise chose pour les consommateurs. L'industrie du divertissement essaie de nous convaincre que leur introduction est nécessaire. Elle l'est pour l'industrie, pas pour nous. Elle lui est indispensable pour soutenir son modèle économique basé sur le contrôle de la copie. Elle gagne de l'argent en faisant des copies. Si tout le monde peut en faire, sa source de revenu disparaît. Pourquoi ne met-elle pas au point un autre modèle économique comme elle a forcé les musiciens à le faire avec l'apparition des enregistrements? Un modèle dans lequel plus un contenu est copié par le consommateur, plus il rapporte de l'argent. Surtout que ce modèle existe déjà...

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